Sucres cachés : entre réconfort émotionnel et habitudes dès l’enfance
- Nadia ROUILLER-MONAY
- il y a 4 jours
- 5 min de lecture
Le sucre… On l’aime, on le cherche, on le dévore parfois sans s’en rendre compte. Il se glisse partout : dans nos envies soudaines, dans les collations de nos enfants, dans les moments de fatigue ou de solitude.
S’il peut sembler anodin, voire rassurant, le sucre agit bien au-delà de notre goût pour le sucré. Il touche nos émotions, nos mécanismes de récompense, notre microbiote… et il s’impose souvent très tôt dans nos habitudes alimentaires, dès l’enfance.

Le sucre, ce faux ami émotionnel
Pourquoi avons-nous envie de sucre quand ça ne va pas ?
Le sucre stimule rapidement la sécrétion de dopamine, un neurotransmetteur lié au plaisir et à la récompense. Cette libération procure un soulagement immédiat, souvent recherché en cas de stress, de fatigue ou de solitude. Le sucre calme aussi brièvement la production de cortisol, l’hormone du stress. C’est ce qui fait du sucre un réconfort émotionnel rapide, mais de courte durée.
Et c’est là que le piège commence : plus on l’utilise pour "aller mieux", et se "donner du peps" plus notre cerveau l’associe à une stratégie de compensation.
Un cercle vicieux bien connu de l'industrie agro-alimentaire...
En période de pression psychique ou physique, le corps réclame plus volontiers des aliments riches en glucides rapides : bonbons, biscuits, viennoiseries, boissons sucrées… Cela s’installe comme un réflexe automatique, souvent inconscient. Réflexe enseigné malheureusement depuis notre plus tendre enfance.
Mais cette compensation a un prix :
Elle provoque des pics glycémiques, suivis de chutes brutales d’énergie, voir même d’humeur.
Elle peut avoir des conséquences sur notre sécrétion d’insuline à long terme.
Elle perturbe le microbiote intestinal, ce qui joue un rôle dans l’inflammation chronique, la perméabilité intestinale et la vulnérabilité émotionnelle. N'oublions pas que tout est relié...
En cas de consommation régulière, le sucre ne calme plus : il entraîne une fatigue, un brouillard mental, une baisse de motivation… et renforce la dépendance comportementale. Hé oui, en agissant sur nos neurotransmetteurs, beaucoup de professionnels de la santé le considèrent aujourd'hui comme une drogue. Il y a de quoi réfléchir à notre consommation quotidienne dans ce cas.
Et chez les enfants ? L’impact invisible des collations sucrées
Ce que les étiquettes ne montrent pas toujours
Un goûter "classique" pour enfants peut contenir bien plus de sucre qu’on ne l’imagine : une petite briquette de jus de fruits, un biscuit à la confiture, une barre de céréales "nature"… et l’apport en sucres libres explose.
Prenons un exemple concret pour le petit-déjeuner, qui sera également très certainement consommé par les adultes, et moi la première il n'y a encore pas si longtemps...

Voici les sucres que l’on retrouve ce produit "santé" classique du commerce :
Sucre de canne
Sirop de glucose
Riz extrudé (à base de farine complète de riz)
Sur l’étiquette : 62 g de glucides pour 100 g de produit. Rien d’anormal à première vue ?
Et pourtant…
Si vous achetez un paquet de 500 g, vous embarquez sans le savoir 310 g de glucides, soit environ 103 morceaux de sucre (1 morceau de sucre ≈ 3 g).
Oui, vous avez bien lu. Cent-trois morceaux de sucre.
Pas en poudre, ni en carré, mais bien présents – dilués, dissimulés, intégrés. À l’œil nu, ni vu ni connu.
Bon, soyons raisonnables : admettons que vous utilisiez simplement 3 grosses cuillères à soupe de ce produit dans un yaourt (≈ 50 g). Vous avalez alors 31 g de glucides, soit plus de 10 morceaux de sucre, en quelques bouchées. N'est-ce pas merveilleux ?! Oups, nous avons oublié de tenir compte du sucre contenu également dans le yaourt... Mais je ne voulais pas vous faire peur tout de suite.
Un petit plaisir du matin ?...
... qui tape plus fort qu'il ne le laisse croire.
Pourquoi cette comparaison ?
Évidemment, tous les glucides ne sont pas des "carrés de sucre" à proprement parler. On parle ici d’un produit contenant aussi de la farine de riz, des flocons d’avoine (sans gluten bien sûr), un soupçon d’oléagineux, et 3 % de fruits lyophilisés – un chiffre fièrement affiché comme s’il s’agissait d’un bol de baies fraîches.
Mais malgré ce vernis "healthy", ce genre de composition agit en réalité comme une bombe glycémique :
un pic d’énergie rapide,
suivi d’un creux d'énergie,
st d’un probable retour au placard dans l’heure qui suit.
Et la fameuse barre de céréales de la récré ?
Allez, regardons ensemble.

Le produit "spécial enfant" à emporter à l’école ou encore dans son sac à main ou son sac de sport, affiche lui aussi :
Sirop de glucose
Cassonade
Et... toujours 62 g de glucides pour 100 g.
Mais cette fois, on parle d’une barre de 18 g (allez ce n'est pas grand chose au final)
sauf que, 62 % de glucides dans 18 g produit correspondent à 11,2 g de sucre, soit presque 4 morceaux de sucre dans une seule barre.
Et on ne parle même pas du petit jus de fruits ou de la petite boisson berlingot qui va avec…
En résumé
Ce genre de comparaison ne vise pas à culpabiliser, mais à rendre visible ce qui ne l’est pas. Le sucre ne se résume pas à la cuillère que l’on ajoute dans son café. Il est partout, souvent bien dissimulé, et même valorisé à coups de slogans marketing rassurants.
Apprendre à décoder les étiquettes, comprendre les effets glycémiques réels des produits du quotidien – y compris ceux proposés à nos enfants – c’est un premier pas vers une alimentation plus consciente… et plus respectueuse de notre équilibre physique et émotionnel.
Des effets concrets sur l’attention et le comportement que la consommation répétée de sucre provoque chez les enfants et les grands enfants/adultes n’est pas sans conséquences :
Fatigue en fin de matinée due aux chutes glycémiques.
Difficultés de concentration, augmentation des symptômes liés au TDAH pour les enfants/adolescents ayant ce type de « trouble ».
Irritabilité ou encore agitation, voir crises de colère dans certains cas,
etc...
Mais surtout, cela crée dès le plus jeune âge une association entre frustration ou ennui et besoin de sucre lié au réconfort émotionnel. Ce conditionnement, s’il n’est pas identifié, se prolonge à l’adolescence puis à l’âge adulte.
Ce que l’on peut changer sans tout bouleverser
Remplacer les produits transformés par des collations simples et riches en nutriments utiles est une excellente première étape :
Fruits frais de saison de préférence entier pour conserver les fibres.
Légumes croquants en bâtonnets.
Compotes maison sans sucre ajouté, accompagnées de fibres (graines de chia moulues) et protéines végétales (graines de chanvre)
Tartines de pain de seigle avec purée d’oléagineux faite maison et sans sucre ajouté.
Et surtout
Impliquer vos enfants un maximum dans la préparation, créer des rituels autour des collations, et expliquer sans culpabiliser en partageant des moments en cuisine avec eux. Et pourquoi ne pas leur montrer concrètement ce que le sucre représente sous forme de jeux ?
Manger doit rester un plaisir, pas un terrain de lutte ou d’interdiction, même s’il est difficile de pouvoir intégrer les changements sans quelques légères incompréhensions au début pour nos petits bouts de choux ! Le tout c’est d’expliquer… et de jouer en cuisine.

Repenser notre lien au sucre, à tout âge est essentiel pour maintenir un équilibre.
Cet article n’a pas pour but de bannir le sucre. Il fait partie de notre culture, de nos plaisirs, de nos souvenirs d’enfance. Mais le comprendre, c’est surtout lui redonner sa juste place.
Sortir du réflexe automatique, du besoin irrépressible pour retrouver une relation plus consciente et plus saine avec nos habitudes alimentaires.
En accompagnement thérapeutique avec l'adulte, décrypter ces mécanismes est souvent une première étape essentielle.
Mais pour les enfants, prévenir plutôt que corriger reste la clé.
Si cet article vous a parlé, partagez-le, testez, discutez-en autour de vous… et n’oubliez pas : manger doit rester un plaisir.

Prenez soins de vous, vous êtes importants !